De la réalité du terrain

Ce qui suit est un pavé dans la marre (suite à une conversation sur la terrasse d’un bar ).

Je ne vais pas revenir sur l’affaire skype/AFP, déjà beaucoup de choses ont été écrites: beaucoup d’énervement, d’incompréhension, et de troll. Je crois que les gens se sont un peu oubliés: il existe la théorie et la pratique. La critique est globale, il est important d’avoir entamé le débat, mais il est tout aussi important de rester réaliste: les choses ne bougeront pas d’un coup. Un travail de fond sera plus que nécessaire et à tous les niveaux. Le cas de skype ouvre la porte sur le débat de l’éducation « informatique »: il est temps de mettre fin à « tant que ça marche je m’en fout » ou à « mais c’est trop compliqué ». Les choix par défaut qui sont imposés aux gens leurs suffisent amplement parce qu’ils: s’en foutent – ne se posent pas de question – ont mieux à faire – s’en contentent (rayer les mentions inutiles). Il faut aussi mettre à fin à l’abominable « Internet c’est Facebook – Google – Msn/Skype ».

D’où vient le problème ?

L’éducation. Indéniablement, c’est le maillon qui a failli à la tâche. Comment des étudiants peuvent-ils quitter l’école sans pouvoir définir ce que sont les intertubes, sans avoir aucune idée de comment fonctionnent leurs joujoux ? Il serait temps de rendre obligatoire l’enseignement de matières informatiques aux futures générations, afin qu’elles puissent d’elles-même être autonomes et comprendre quels sont les enjeux de ces technologies et ce qu’elles impliquent. Il est tout aussi nécessaire de s’assurer que les gens comprennent les enjeux liés à leur vie privée sur le net (ce qui n’est visiblement pas gagné).

Quel rapport avec la Syrie ou l’AFP ?

Tout est dit: on peut taper sur l’AFP autant que l’on veut ça ne changera strictement rien, l’effet sera peut-être même à l’inverse: désintéressement des organismes de presses envers le milieu du hack ce qui serait dommage vu le potentiel de collaboration possible. Une fois que l’info est sortie et le « scandale » posé, il faut calmer le jeu au lieu de mettre de l’huile sur le feu et de troller (bien qu’étant moi-même pour les trolls, il est parfois nécessaire de se calmer). L’enjeu ici est d’intérêt, les réactions doivent donc être intelligentes. Certaines de ces réactions ont frisé l’indécence, voir la diffamation. C’est moche.

Qu’est-ce que cela révèle ?

Un manque de réflexion assez intéressant: sur le moment tout le monde à pété un câble (certes, c’est compréhensible) mais qu’au bout de plusieurs heures des gens soient encore en train de troller est assez surprenant: vous n’avez rien de mieux à faire ? (Et si la réponse à cette question est non, j’ai deux trois pistes pour vous: montez un site/blog/wiki, expliquez en quoi Skype est mal, postez des tutos sur des alternatives. Faites quelque chose de constructif en somme).

Cela révèle aussi une déconnexion avec les réalités du terrain: oui il y a des contacts par skype, non ça n’est pas prêt de s’arrêter et c’est presque logique. Si un contact dans un pays à risque vous contact par skype vous faites quoi ? Vous refusez ? Non. Le faire bouger vers une solution sécurisée ne se fera pas en claquement de doigt. Cela prendra du temps, c’est évident.

Vous pourrez tweeter, taper, crier, dire que vous n’êtes pas content, que c’est une honte, que c’est dangereux ça ne changera rien au fond: les chose ne bougent pas aussi vite qu’évolue notre façon de voir les choses. Par conséquent, oui c’est une bonne chose que des gens entrent en contact avec l’AFP (et de préférence des gens « modérés » du troll, qui sont capables de ne pas être trop agressifs IRL ), mais dans la pratique les choses ne bougeront que peu. Et ça c’est un fait. Donc la prochaine fois: keep calm and inform (ou éventuellement STFU au lieu de raconter n’importe quoi) .

En conclusion: il va falloir vous calmer les gens. Cessez de surfer la vague juste pour faire du bruit et faites des choses utiles. Maintenant un constat simple: que préférez-vous: avoir des infos ou rester dans l’obscurité sur ce qui se passe dans ces pays ? L’information doit circuler, c’est nécessaire. La manière compte-elle vraiment ? Avoir des informations sur les crimes, avoir une trace de ce qu’il se passe est une priorité.

(Cet article est censé vous faire réfléchir à vos réactions. Parce que ça frisait le pathétique pour certains. No troll meant. No offense. No shit.)

NB0: juste pour info pour ceux qui l’ignoraient: en Syrie Skype est probablement le logiciel n°1 sur les machines pour la communication sur Internet. Si vous pensez pouvoir changer toute une population en une fraction de seconde: go ahead. Mais j’en doute. (Juste pour info, renseignez-vous notamment sur le travail de Télécomix à ce sujet et vous verrez que ça n’est pas évident du tout)

NB1: maintenant un petit troll en passant (vous pensiez pas vous en tirer à si bon compte ?). Trouvez-vous normal que l’AFP place joliment le nom de skype dans une dépêche ? Ça ne vous interpelle pas ? Outre le fait que le protocole se nomme Skype, c’est aussi le nom d’une solution commerciale et de ce fait, a-t-elle réellement quelque chose à faire dans cette dépêche de l’AFP ? Beaucoup de gens en doutent énormément (et ils ont probablement raison).

- Merci à @nicoladiaz pour la complétion de l’article et @nemellia pour la correction -